Patrick Pottier, la passion de la philosophie de la carte

Bonjour Mr Patrick Pottier et merci d’avoir accepté cet entretien, est-ce que dans un premier temps vous pouvez vous présenter ?

Je suis Patrick Pottier, maître de conférences en géographie à l’Institut de géographie et d’aménagement de Nantes Université (Igarun).

Je suis spécialiste d’un point de vue thématique des questions de pressions anthropiques sur les littoraux et notamment d’urbanisation des littoraux.

Et sur le plan plus technique, je m’intéresse au domaine du traitement et des représentations des informations géographiques, donc de la cartographie, et, aujourd’hui, de son extension informatique qu’on appelle la géomatique qui est un néologisme entre géographie et informatique, et qui représente le domaine du traitement des données géographiques à l’aide d’outils informatiques.

UN e-SEA fait développer son offre de formation et met en place, en collaboration avec l’IGARUN, le certificat Sémiologique graphique et représentation cartographique, pouvez-vous nous présenter ce certificat ?

Le certificat de Sémiologie graphique et représentation cartographique permet de donner au stagiaire qui va suivre la formation les clés de lecture et de création des cartes.  Il permet d’appréhender la carte comme une forme de langage dans le but de maîtriser les bases de la construction graphique.
La spécificité de la géographie c’est de spatialiser les éléments et d‘introduire la variable spatiale dans la compréhension et la gestion des choses opérationnelles. La carte est un moyen indispensable pour le faire. 

En collaboration avec UN e-SEA, nous avons décidé de développer ce certificat en distanciel, parce que nous avons pu remarquer une vraie demande, motivée par le fait qu’aujourd’hui, avec les outils informatiques, la carte est devenue un outil accessible à la fois en matière de consultation et en matière de création. Cependant, la carte, c’est une construction graphique régie par des règles. Si on ne les connait pas, le risque c’est de se retrouver avec des cartes qui n’arrivent pas à exprimer correctement ce qu’elles doivent montrer, ou même qui peuvent montrer l’inverse de ce qu’elles voulaient dire.

Dans ce sens, on peut se rendre compte qu’on peut faire dire ce que l’on veut à une carte ?

Mais bien sûr, il y a des fake map ! Au Royaume-Uni, depuis les années 1970, une agence de surveillance des productions cartographiques a été créée pour éviter ces dérives. On sait qu’une photo publiée peut être manipulée mais une carte, on prend ça pour quelque chose de très technique. On ne pense pas que ça peut être fait différemment, on la tient pour vraie.
Pourtant, on est dans le domaine de la communication avec un émetteur et un récepteur. Comme dans toutes formes de langage, il n’est pas toujours facile de trouver les bons mots pour exprimer sa pensée. On peut utiliser des mots différents, on peut s’exprimer de plusieurs façons… mais il suffit de peu pour utiliser de mauvais outils et faire dire des choses qu’on ne veut pas dire, dans le langage parlé comme avec une carte. Il faut donc en connaitre les règles de construction pour pouvoir correctement s’adresser aux autres.

Et quand on en maitrise ces techniques de construction, ça devient un outil d’expression facile à utiliser, et ça fait plaisir de travailler avec.

Concrètement, ce certificat va ainsi permettre à tout individu de connaître les règles de construction qui régissent les cartes ?

Le certificat Sémiologie graphique et représentation cartographique offre l’opportunité à toute personne travaillant avec des cartes d’améliorer ses compétences et de devenir autonome dans son travail. Le public cible est donc assez large. On peut retrouver des personnes issues de formation en géographie, qui ont donc déjà des connaissances mais qui ont besoin de les formaliser, de prendre plus de temps ou de les approfondir. Mais ce certificat est aussi destiné aux personnes, qui dans leur métier, ont besoin de faire des cartes sans avoir suivi d’études de géographie. Ils.Elles n’ont donc pas l’arsenal technique de compétences suffisant pour pouvoir produire correctement des cartes.
Il y a de plus en plus de métiers qui utilisent la carte pour communiquer, avec ce module, les professionnels de ces métiers pourront acquérir les bases nécessaires et suffisantes pour bien commencer puis, par la suite, approfondir leur expression cartographique avec l’expérience.

Ainsi tous les publics sont concernés par ce certificat ?

En effet, ce sont tous les domaines d’activité qui sont concernés. Il est vrai que lorsque nous avons débuté la réflexion sur la création de ce certificat avec Noémie Larrouilh, Directrice opérationnelle d’UN e -SEA, nous l’avions imaginé dans l’intérêt de proposer une formation courte aux étudiants de pays étrangers. En effet, dans les étudiant.e.s intégré.e.s aux Master d’UN e-SEA, beaucoup proviennent de pays où cet apprentissage de la construction cartographique n’est pas proposé. L’aspect digital est un réel avantage qui donne l’opportunité à un public plus élargi d’accéder à la formation, à son rythme. Tous les ans nous constatons qu’il y a une réelle demande de ce type, avec des étudiants étrangers à nos formations de masters et qui ont besoin d’une remise à niveau en cartographie pour bien intégrer nos cursus.

Mais ce certificat est aujourd’hui à destination de toutes personnes ayant besoin de s’exprimer par la carte dans le cadre de sa formation ou de son métier.

Il parait que vous êtes adepte de la philosophie de la carte, pouvez-vous nous expliquer ce que c’est ?

Il faut donner du sens aux choses dans toute communication, or beaucoup de monde créent des cartes comme de simples illustrations, ce qui est très réducteur et simpliste, ce qui revient à réduire à sa plus simple expression cette construction graphique. Quand on fait une carte, il est important de vouloir dire des choses précises, de réfléchir à la nature du message que l’on souhaite faire passer, car la carte est un outil de construction de connaissance autant que de communication d’un savoir. Si on considère la carte comme quelque chose d’artistique elle devient polysémique, elle a plusieurs sens, il y a donc un risque de confusion. Or, dans les métiers opérationnels de la gestion du territoire, c’est un outil technique, elle doit permettre de se faire comprendre, de dire quelque chose de précis. Ce principe poussé à l’extrême, une construction graphique peut n’avoir qu’un seul sens, une signification, et c’est alors facile de communiquer, émetteur et récepteur pouvant ainsi facilement se comprendre puisque partageant les mêmes clefs d’expression. Je vais prendre en exemple les panneaux du Code de la route. C’est une expression graphique, technique, qui est monosémique, car il n’y a qu’une seule signification attribuée à un panneau donné comme par exemple le panneau stop, qui ne veut dire que stop, il faut s’arrêter, et cela dans le monde entier. Une construction graphique, un seul sens partagé par tous.

Les gens aiment beaucoup les cartes, j’ai de nombreux exemples. De nombreu.ses.x élu.e.s viennent nous rendre visite, ils sont un public qui adore les cartes. C’est un outil qui les stimule parce qu’il leur permet de bien connaître leur territoire. Pour l’anecdote, il est amusant de voir le nombre de fois où je suis retourné voir ces élu.e.s et je voyais la carte produite accrochée derrière leur bureau. La carte se montre et si elle est pertinente, on aime la montrer car elle permet de dire plein de choses facilement.
La carte permet de prendre de la hauteur et donc de voir les choses différemment. C’est une façon de visualiser les choses qu’on ne peut pas voir autrement, de vraiment découvrir son territoire dans sa globalité.

Quel conseil donneriez-vous a quelqu’un qui suit ce certificat ?

Je pense que l’intérêt de ce format pédagogique c’est de pouvoir prendre son temps, de pouvoir s’organiser et d’aller à son rythme.
Il est aussi important de faire le lien entre ces techniques d’expression et son métier. C’est plus intéressant de lier la théorie et la pratique dans son quotidien.
Ce qui m’intéresse, personnellement, c’est d’accompagner des gens et qu’ils se rendent compte de la présence de la carte dans leur environnement, tout en leur donnant les clés pour pouvoir les créer et les utiliser.

Quelques mots pour conclure ?

Aujourd’hui la cartographie n’est plus une compétence strictement disciplinaire, c’est-à-dire liée au géographe. D’un point de vue professionnel, il y a de plus en plus de métiers qui utilisent la carte.
L’urbanisme attire les autres masters, mais ces personnes arrivent avec un déficit de compétences dans le domaine de la construction et l’expression cartographique. Dans leur cas, le certificat serait un réel plus qui leur permettrait de se remettre à niveau et de s’intégrer plus facilement aux formations.

Dans l’agence d’urbanisme où j’ai travaillé il y a quelques années, se côtoyaient et travaillaient ensemble des économistes, des sociologues, des communicants… et tout le monde faisait des cartes. Au final, chacun de ces acteurs allait faire vérifier son travail auprès des géographes, car ils avaient conscience de leurs lacunes dans ce domaine. On s’aperçoit donc qu’il y a de plus en plus de professionnel.le.s qui réalisent aujourd’hui des cartes qui contiennent des erreurs par manque de maîtrise des règles de construction graphique. Avec ce certificat, l’acquisition de ces compétences est facilitée, et c’est vraiment l’esprit que je souhaitais donner à cette formation Sémiologie graphique et représentation cartographique : être accessible au plus large public possible, aux géographes pour renforcer leurs compétences dans ce domaine, et aux autres professionnel.le.s pour acquérir ces compétences et ainsi être autonomes dans cet exercice.

Merci Mr Pottier pour votre temps et d'avoir répondu à nos questions
 

Le certificat sémiologie graphique et représentation cartographique vous intéresse ? N’hésitez pas à nous retrouver sur zoom pour un webinaire d’information en Avril-Mai. Vous pourrez y poser l’ensemble de vos questions et en découvrir plus sur le déroulé de ce certificat.